Ben quattro gli articoli dedicati da Zenit al volume di Massimo Borghesi “Jorge Mario Bergoglio. Una biografia intellettuale”, due in francese, uno in spagnolo e uno in vietnamita. Zenit è un’agenzia di informazione internazionale no-profit formata da un’équipe di professionisti e volontari che attraverso l’utilizzo delle nuove tecnologie telematiche intende far conoscere il “mondo visto da Roma”. Per questo motivo pubblica e traduce le parole, i messaggi, i documenti, gli interventi, l’Angelus e l’Udienza generale del Romano Pontefice, oltre che informare sui grandi avvenimenti religiosi nel mondo, sui temi, i dibattiti e gli eventi che interessano i cristiani, gli uomini di fede e non, dei cinque continenti.
Riportiamo i due articoli in francese, mentre questi sono i link agli articoli in spagnolo https://es.zenit.org/articles/la-biografia-intelectual-de-jorge-mario-bergoglio-por-massimo-borghesi/ e in vietnamita https://phanxico.vn/2017/11/13/jorge-mario-bergoglio-mot-tieu-su-tri-thuc/ . Due articoli (francese-vietnamita) sono di Anita Bourdin. Gli altri due (francese-spagnolo) di Marina Droujinina.
Zenit, 12 novembre 2017, “Jorge Mario Bergoglio, une biographie intellectuelle”, par Massimo Borghesi Le pape François, sous influence française (https://fr.zenit.org/articles/jorge-mario-bergoglio-une-biographie-intellectuelle-par-massimo-borghesi/)
Le pape François a un bagage culturel et intellectuel de premier plan et pourtant il a choisi de s’exprimer simplement : un choix évangélique souligné par Massimo Borghesi, auteur d’un livre qui met en relief les influences françaises dans la formation du jeune Bergoglio.
Sa recherche sur l’origine et le développement de la pensé du pape François est en effet publiée en italien sous le titre “Jorge Mario Bergoglio, une biographie intellectuelle” par Massimo Borghesi, professeur de philosophie morale à la faculté de lettres et de philosophie de l’université de Pérouse: « Jorge Mario Bergoglio, una biografia intellettuale », en librairie depuis le 9 novembre 2017, chez Jaca Book.
Il évoque les études universitaires de Jorge Mario Bergoglio et il retrace des étapes de l’itinéraire de l’approfondissement de sa culture et de sa pensée, des influences intellectuelles qui les ont enrichies.
Radio Vatican en italien (Fabio Colagrande) y relève que le premier pape jésuite a assimilé la spiritualité de saint Ignace aussi par la lecture du philosophe et jésuite français Gaston Fessard (1897-1978) et de Henri de Lubac (1896-1991), et que la conception de l’Eglise comme “unité des opposés” l’a aussi conduit vers la pensée du théologien italo-allemand Romano Guardini (1885-1968).
Il cite également des influences allemandes: le jésuite allemand né à Katowice (Pologne) Erich Przywara (1889-1972), ou Adam Möhler (1796–1838), fondateur de l’école de théologie de Tübingen, auteur de la « Symbolik » et de « Unité de l’Eglise » (« Die Einheit der Kirche »).
L’auteur a bénéficié d’éléments mis à sa disposition par le pape François lui-même par dans quatre entretiens-audio.
“Je ne comprenais pas d’où le jeune Bergoglio tirait son inspiration, explique Massimo Borghesi, à quel auteur il se référait, d’où partait sa conception très originale qui le conduira ensuite à se confronter avec la philosophie polaire des opposés de Romano Guardini. Et là, je ne pouvais rien faire d’autre que de m’adresser directement à lui. Je lui ai fait parvenir une série de questions et lui, avec une grande courtoisie et je dois dire, à ma grande surprise, il a cru dans le projet et il a accepté de répondre. C’est ainsi que me sont parvenues des réponses si inédites, si originales qu’elles m’ont permis de construire mon travail et surtout de découvrir que l’auteur clef de sa formation est un grand jésuite français. On sait que l’on accuse Bergoglio de n’avoir qu’une formation uniquement latino-américaine, en réalité une grande partie de sa formation il la doit à des jésuites français.”
De fait l’information la plus “inédite” du livre, continue l’auteur, c’est que “le jeune Bergoglio, sous la direction de son maître en philosophie Miguel Angel Fiorito, lit plusieurs fois une oeuvre de Gaston Fessard de 1956 qui a pour titre « La dialectique des Exercices spirituels de Saint Ignace de Loyola » (chez Aubier-Montaigne, ndlr). Il fait une lecture des Exercices spirituels comme tension, c’est-à-dire une pensée qui se meut entre des contraires, entre la grâce et la liberté, entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Autrement dit, la vie chrétienne n’est pas une vie « harmonique » mais une vie qui se meut au milieu des contraires et les unit dans une synthèse supérieure qui n’est pas donnée, comme chez Hegel, par la pensée, mais est donnée par le Mystère, c’est-à-dire par l’action de Dieu. Donc entre le Dieu infiniment grand et l’homme en tant que tel, il y a cette tension polaire continuelle que Bergoglio perçoit comme la clef de la spiritualité d’Ignace et qu’autour des années 70/80, il applique à toute la société, l’Eglise, au monde divisé qui caractérisait l’Argentine dramatique et tragique » de ces années-là.
C’est pourquoi, pour le jeune Bergoglio, continue Massimo Borghesi, « l’Eglise était appelée à être réconciliation entre les contraires, elle était appelée à être synthèse, de même que le jésuite est synthèse et rencontre entre des polarités opposées ».
Le livre a pour sous titre « Dialectique et mystique », ce que l’auteur explique en faisant en même temps d’autant mieux comprendre pourquoi le pape François a canonisé le jésuite savoyard saint Pierre Favre (1506-1546), le jour de son propre anniversaire, le 17 décembre 2013, et en la première année de son pontificat : « Pour lui, la vraie spiritualité de saint Ignace est une spiritualité mystique : dans la diatribe entre jésuites, lui prend position pour le courant français, non pour le courant espagnol. Le courant espagnol est ascétique. Le courant français est mystique et trouve en Pierre Favre, l’ami de saint Ignace son modèle idéal. Favre est le jésuite et le chrétien que Bergoglio voudrait être. Et Favre était le contemplatif dans l’action, il était le mystique qui ne même temps agissait pour les pauvres et pour l’unité de l’Europe divisée entre luthériens, catholiques et calvisnistes, c’est-à-dire synthèse vivante des opposés. Et c’est ce que Bergoglio, en tant que Pape aussi en quelque sorte se propose de faire, de promouvoir. »
Voilà qui apporte une lumière sur la formation profonde du pape Bergoglio et ce qui fait écrire à Guzman Carriquiry, dans la préface du livre, que « le Pape parle simplement parce qu’il veut parler simplement » et l’auteur commente ainsi : « C’est très clair. C’est pour cela que je citais Pierre Favre. Pierre Favre avait une très bonne formation académique. Il avait étudié à la Sorbonne, mais dans sa façon de s’exprimer, il parlait simplement. C’est la même chose pour Bergoglio. Il a un bagage culturel de premier plan, et en même temps, il y a son choix, son option, de s’exprimer simplement : c’est un choix typiquement évangélique. »
Zenit, 13 novembre 2017, La « biographie intellectuelle » de Jorge Mario Bergoglio, par Massimo Borghesi (https://fr.zenit.org/articles/un-livre-sur-la-formation-intellectuelle-de-jorge-mario-bergoglio/)
La formation intellectuelle du pape François est fondée sur l’idée qu’à travers l’Eglise, « le mystère de Dieu unit tout ce qui, sur le plan naturel, apparaît non superposable » : « une unité qui conserve les différences sans avoir la prétention de les annuler ».
Telle est l’affirmation de Massimo Borghesi, auteur du livre Jorge Mario Bergoglio. Une biographie intellectuelle. Dialectique et mystique (Una biografia intellettuale. Dialettica e mistica) paru le 9 novembre 2017 dans les librairies italiennes. Le pape lui-même, note-t-il, dans un article publié par L’Osservatore Romano en italien de ce même 9 novembre, « a offert des éclaircissements essentiels sur sa pensée et sa formation intellectuelle », dans quatre documents audio, enregistrés entre janvier et mars 2017, en réponse aux question du philosophe.
« La réflexion du futur pape, affirme Massimo Borghesi, s’inscrit … dans le cadre d’un courant de pensée catholique précis entre le XIXe et le XXe siècle : celui de Möhler, Guardini, Przywara, de Lubac, Fessard. »
Dans les documents audio, le pape François parle, explique Massimo Borghesi de « l’importance de la lecture … du livre La dialectique des “Exercices spirituels” de saint Ignace de Loyola de Gaston Fessard »: « Le nom de Fessard, un des plus grands intellectuels jésuites de la seconde moitié du XXe siècle, ami de Henri de Lubac et protagoniste avec lui de l’École de Lyon, m’a ouvert les yeux sur toute la réflexion de Jorge Bergoglio. C’était comme avoir trouvé le fil rouge, l’unité d’une pensée polyédrique. »
Gaston Fessard, poursuit-il, « offre une lecture dialectique, antinomique, de la spiritualité ignacienne tiraillée entre la grâce et la liberté, entre l’infiniment grand et l’infiniment petit », il prône « l’idée d’un catholicisme comme coincidentia oppositorum, synthèse vitale des polarités opposées ».
On retrouve cette même « idée », explique l’auteur, « chez le grand expert en ecclésiologie de Tübingen, Adam Möhler, reprise par les jésuites Erich Przywara et Henri de Lubac. C’est l’idée de la vie comme tension polaire que nous retrouvons chez Romano Guardini, et cela explique que Bergoglio ait choisi ce sujet pour sa thèse doctorale. Romano Guardini ne constitue pas le début de sa réflexion ; mais il représente une importante confirmation et un élargissement de ses horizons. »
Autre penseur très cher au pape François : Albert Methol Ferré, « l’intellectuel uruguayen plein de génie », « le penseur catholique latino-américain le plus important de la seconde moitié du XXe siècle ». Il « exprimait un thomisme dialectique, dépendant, dans son cas aussi, de Gaston Fessard », explique Massimo Borghesi.
« Methol Ferré et Bergoglio, poursuit-il, dont les destins se croisent en 1979, à la conférence de Puebla, partagent les mêmes perspectives idéales, les mêmes espoirs pour le renouveau ecclésial latino-américain. Ils sont tous les deux des partisans de la teología del pueblo – la théologie du peuple – la version argentine de la théologie de la libération qui unissait ensemble l’option préférentielle pour les pauvres, la redécouverte de la foi populaire, et le refus net de l’idéologie marxiste. Tous les deux souhaitent la patria grande de l’Amérique latine dans une tension constructive avec les états nationaux. »
Avec Albert Methol Ferré, affirme l’auteur du livre, le pape partage « non seulement un modèle de dialectique, mais également l’option pour l’esthétique théologique de Hans Urs von Balthasar, pour l’unité des transcendantaux (beau-bien-vrai) dans l’affirmation de l’être et pour la primauté accordée au beau, au témoignage, dans la communication de la vérité. D’où cette union polaire de miséricorde et vérité, leur tension unitive, inimitable, incomprise tant par les traditionalistes que par les progressistes ».
« Cette logique de la totalité », estime Massimo Borghesi, « explique que le pape soit, par exemple, si sensible à un témoignage social face aux problèmes de la pauvreté, de la guerre, du climat. Et qu’il soit en même temps, dans le sillage de saint Ignace, un mystique, un chrétien conscient du primerear de la grâce sur chaque action de l’homme, d’un ‘Dieu toujours plus grand’ ».
« La vie chrétienne, conclut Borghesi, évolue entre ciel et terre, une tension qui ne trouve pas de solution dans un système, mais uniquement dans le Mystère qui guide l’histoire. »
Avec une traduction d’Océane Le Gall